Le Poker Live d’Après : les leçons asiatiques

Le Poker Live d’Après : les leçons asiatiques

Sur les 36 casinos/clubs dans le monde où ont été organisés les tournois de poker DeepStack Open depuis 11 ans, un seul est ouvert aujourd’hui : le CTP Club à Taipei (Taiwan) continue à accueillir des joueurs chaque jour sans même avoir fermé !

Taiwan, pays souverain mais néanmoins considéré comme une province de la République de Chine, fait figure de modèle à suivre depuis le début de l’épidémie : seulement 385 cas de patients infectés (au 13 Avril 2020), pas d’arrêt de l’économie et une mise en place de politiques précises pour les écoles et les entreprises dès les premiers signes pandémiques en Janvier.

Comment un pays aussi économiquement lié avec la République Populaire de Chine, qui parle mandarin (outre le dialecte local), avec d’importants flux migratoires quotidiens jusqu’à la fermeture des frontières, a pu se préserver et se protéger si rapidement jusqu’autour même des tables de poker ? A-t-on des exemples à tirer pour l’avenir à moyen terme du poker live et de l’événementiel en général ?

Une culture et des conditions de jeu différentes

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Il y a exactement un an, j’organisais pour la première fois un tournoi DeepStack Open dans un pays où je n’étais jamais allé. Dés les premiers moments dans le club, tout européen de 2019 aurait été surpris du nombre de personnes portant un masque, aussi bien staff que joueurs : principalement utilisés contre la pollution de l’air et culturellement pour protéger le voisinage, l’habitude de porter des masques, si l’on est atteint du moindre rhume, s’est accentuée après la crise sanitaire du SRAS en 2003. Il est chose courante en Asie de porter un masque en extérieur comme à l’intérieur autour d’une table de jeu : par respect des autres autant que par protection, même hors période pandémique.

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Il faut préciser que Taiwan n’en est pas à sa première pandémie : en 2003, le SRAS n’avait pas épargné l’île : 346 cas et 37 décès, un bilan qui ferait presque rêver au vu de la situation actuelle, mais qui à l’époque était un des plus lourds de la planète et avait tiré la sonnette d’alarme. Le Gouvernement avait alors crée un « Centre de Contrôle des Maladies », une cellule opérationnelle disposant de protocoles précis à activer en cas de signes pandémiques, qu’ils ont suivi à la lettre.

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Dan Gomes, amateur de poker français expatrié à Taipei me racontait son expérience des derniers mois : “Je suis rentré de Chine fin Janvier, 3 jours après ils interdisaient à tous les chinois de rentrer, ils ont pris chaque identité, ont suivi chaque cas, appliqué ensuite 14 jours de quarantaine obligatoire pour toute personne rentrant, avec suivi GPS par téléphone obligatoire. Tous les téléphones Taiwanais sont tracés en toute transparence pour contrôler toute connexion et risque de propagation.”

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Mais le choc de l’épidémie de 2003 n’a pas seulement crée des changements structurels en cas de pandémie, il a bien engendré des conséquences sur le comportement des citoyens et les offres des entreprises ouvertes au public. Il y a un an, quand on pouvait encore voyager, se serrer la main et que les crises pandémiques n’étaient que dans les films, j’assistais à ce type de scène plusieurs fois par jour pendant mon événement :

Je n’ai jamais rencontré de problèmes sanitaires dans un établissement de jeu, mais je n’avais jamais vu autant de précautions non plus.

Les événements actuellement proposés par le CTP Club

Dans un contexte international plus que morose, le Chinese Texas Hold’em Poker Association a donc organisé les Master Poker Series et les GPL Taiwan du 28 Mars au 5 Avril. S’adressant à tous les joueurs locaux (le pays a fermé ses frontières) l’événement était logiquement contraint par de nombreuses restrictions : Prise de température de tous les joueurs (ceux ayant plus de 37,5° ne sont pas admis), pas plus de 100 joueurs dans le local, port du masque obligatoire, des distributeurs de gel hydroalcoolique, interdiction d’entrée pour les joueurs toussant ou ayant des symptômes de fièvre et obligation pour tous les étrangers de montrer leur passeport avec un délai d’au minimum 7 jours depuis leur arrivée sur le territoire.Logiquement les tournois organisés par le club ne rassemblent majoritairement que des Taiwanais (et quelques expatriés) et les restrictions sanitaires ne favorisent pas la venue des joueurs nationaux. Malgré tout, les 4 tournois MPS ont réuni entre 30 et 60 participants ce qui est bien moins que d’habitude (le DSO l’année dernière avait enregistré prés de 200 entrées) mais probablement la plus grosse participation à un tournoi live il y a deux semaines dans le monde.

Le Club s’est adapté depuis ces dernières semaines, et a mis en place ce week end un tournoi national avec un Day 1 disputé dans plusieurs clubs : le tournoi a enregistré prés de 1000 entrées partout dans le pays !

Taiwan a réalisé un travail formidable pour nous protéger. Même si le nombre de cas augmente, les chiffres sont faibles car la plupart des cas viennent de l’extérieur. Le CDC scrute chaque rentrée sur le territoire et met les arrivants en quarantaine.

David Tai, responsable MPL & CTP

« Alors c’est quand le prochain UDSO en Europe ? »

A l’heure où toute notre économie est paralysée, il peut paraître utopiste d’imaginer à nouveau des joueurs réunis plusieurs jours pour disputer un tournoi en Europe. Mais comme pour tous les secteurs d’activité, il est temps de réfléchir à une reprise qui tienne compte d’un nouveau cadre sanitaire.

Au vu des déclarations d’Emmanuel Macron du 13 Avril, les événements pourraient être à nouveau autorisés à partir de la mi-juillet. Bien que les conditions soient floues, qu’il y a beaucoup de chemin d’ici à un déconfinement total ; on imagine raisonnablement que l’on pourrait à nouveau organiser des événements en période estivale en mettant en place des règles validées par les autorités.
Bien que la situation européenne soit très différente (Taiwan n’a pas de frontière terrestre et différentes interactions sociales) cette expérience nous offre des pistes de réflexion pour garantir la sécurité sanitaire des joueurs et de tout le staff : prise de température à l’entrée, distributeurs de gel hydroalcoolique, interdiction d’accès aux personnes ayant de la fièvre ou des signes fiévreux, limiter le nombre de participants dans une salle et une désinfection quotidienne du matériel.

En France, Texapoker se prépare activement à un retour sous contrôle : “On établi déjà les règles pour la reprise, la sécurité des joueurs passe avant tout : nous avons déjà commandé du matériel et nous étudions avec les autorités des moyens de protection sûrs. Par ailleurs le contrôle au thermomètre sera installé et nous refuserons évidemment des joueurs si nécessaires.”

Le port du masque semble encore être sujet à discussion dans plusieurs pays européens, mais d’ici à la réouverture des casinos terrestres, il y a fort à parier que les stocks aient été remplis, qu’il soit obligatoire dans tous les lieux publics (et qu’il n’y ait plus de débat sur le port du voile en France avant un moment).

À quoi pourrait ressembler le premier tournoi live post confinement ?

Il faudrait repenser le planning de jeu différent de celui généralement organisé : Days 1 les jeudi et vendredi avec une capacité moyenne de 300 joueurs. Nous reprendrions certainement une structure de tournoi similaire à celle mise en place pour l’UDSO Paris 2019 où la capacité d’accueil était plus réduite : plus de jours 1 répartis sur la semaine avec une capacité restreinte de participants.

Une restriction de capacité qui entraine donc un rallongement de la durée, et qui pourrait même s’amplifier dans l’espace : au niveau Français, nous mettons actuellement en place avec Texapoker en France un programme pour multiplier les Day 1 sur différents établissements. On affronte cependant des problèmes légaux selon les autres pays européen, qui ne peuvent, en toute logique, pas être travaillés avec les autorités pour le moment.

Au delà des mesures sanitaires logiques et des détails d’organisation, le modèle Taiwanais repose sur une coopération totale entre les citoyens et l’Etat, notamment via le traçage des données cellulaires et la transparence de celles-ci. Les mesures à ce sujet dans chaque pays Européen sont encore floues ou à définir : Comment sera-t-il mis en place ? Les données seront-elles complètes ? N’ouvrons nous pas la boite de Pandore ? Il n’en reste pas moins qu’il s’agit aujourd’hui de la seule solution viable pour une reprise de la vie sociale en attendant de trouver un vaccin.

Faudra-t-il alors limiter l’accès de la salle de tournoi aux personnes enregistrées sur l’application de suivi gouvernemental ? Si joueurs, croupiers, floors, serveurs sommes amenés à passer plusieurs heures dans un espace restreint, ne préférerions-nous pas tous nous savoir conscients, précautionneux et responsables face à la situation ?

Le Poker Live de demain est à rajouter à la longue liste des activités sévèrement impactées par cette épidémie, mais la technologie et la réactivité des équipes à s’adapter à de nouvelles règles temporaires nous permettront de nous retrouver au plus vite autour des tables.

Prenez soin de vous et plus que jamais au plaisir de vous revoir très bientôt.

Alex HenryDirecteur UDSO